vendredi 6 novembre 2020

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Ce mercredi à 23h, tout s'arrête. Sauf le boulot, sauf le métro, sauf la conso...

- Image de Vincent L'Epée - Texte de Betty Saucisse

En 2019, René avait une vie passionnante. En 2020, on pourrait faire de sa vie un film misérabiliste... Artiste aux talents cumulés - chanteur, danseur, comédien et bibliothécaire dans un musée -, il ne comptait plus ses heures loin du foyer familial et de sa rombière. Il avait tout de même réussi à l'engrosser quatre fois, sûrement les quatre fois sur les milliers d'autres où ses prodigalités nocturnes l'avaient conduit de beuveries en ripailles jusqu'en bestialité. 

Voilà que le coronavirus débarque, que les salles de spectacles ferment, tout comme le cabinet d'archives où René repose ses guêtres entre deux représentations et libations... C'était en mars. Il est à la maison, les quatre mouflets et la mégère pour seul public. Commence une longue descente dans les limbes domestiques. Il prend du bide.

Quand le rideau se relève, il soulève sa brioche pour aller savourer son petit noir au bistrot du coin. Mais le monde culturel est un champ de mines tristes, et bientôt masqués. Ses rayons de manuscrits ne laissent plus passer sa bidoche. Quant à l'emmerderesse, elle retrouve ses boutiques non essentielles et peut enfin larguer les morpions chez le garde-chiourme communal. La vie capitaliste reprend ses droits.

Mais la cigale se trouva fort dépourvue lorsque la deuxième vague fut venue... René devait s'y attendre, mais ne voulait pas. Il avait presque fait fondre son gras quand le Canton communiqua: «Les établissements publics sont fermés (discothèques, boîtes de nuit, restaurants, bars, pubs). Cette décision ne concerne pas les hôtels (...). Les lieux culturels tels que les musées, galeries d’art, salles de spectacle, de théâtre, de concert et de cinéma sont fermés» - «Tiens, tiens», se dit René qui poursuit sa lecture: «Les manifestations et rassemblements, publics ou privés, y compris dans le cercle familial, à l’intérieur comme à l’extérieur, réunissant plus de 5 personnes sont interdits» - «Intéressant!», se dit René, levant ses yeux vers l'azur comme pour recevoir un signe, «s'il faut quitter les planches, autant que ce soit celles de la maison», sourit-il en dedans, avant de reposer ses mirettes sur la notice d'emballage: «Ne sont pas concernés: les ménages de plus de 5 personnes». Monde de merde.

Conso, boulot, dodo... rideau!


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